dimanche 26 avril 2009

Des Idiots et des Anges


Tout le monde en ce moment ne parle que du dernier film d'Hayao Miyazaki, Ponyo de la Falaise, comme vous pourrez vous en persuader en allant ici ou . À juste titre, tant il est vrai que ce film est onirique, sublime, et parle à cette part d'enfant qui est en nous. Mais personne, ou presque, ne parle du dernier Bill Plympton ?

Je ne sais pas si vous connaissez Bill Plympton. Il est un peu au dessin ce que Tom Waits est à la musique, Jim Jarmusch est au cinéma, ou John Fante à la littérature américaine. Une sorte de rêveur désabusé et mélancolique porté par un imaginaire tour à tour violent, décalé, paranoïaque, nostaglique, survolté et psychédélique. À côté, Terry Gilliam fait figure d'enfant sage. C'est dire.
Bill Plympton est connu (ou plutôt, n'est pas tout à fait inconnu) en France pour ses oeuvres : Les mutants de l'espace (sorti en 2002) et Hair High (sorti en 2005).


Résumer ses films fait parti de l'ordre du faisable, mais s'avère parfaitement superflu. Je vous engage à les regarder le plus rapidement possible pour comprendre tout le génie du maître ; ou, comment à partir d'un pitch banal, il arrive à tresser des personnages complètement fous et une histoire invraisemblable.
Pour commencer Bill possède un graphisme, un trait. Je dirais même qu'il est assez caractéristique. À mi-chemin entre l'expressionnisme allemand et des dessinateurs comme Moebius, Caza, avec une touche d'Enki bilal.
Ensuite, Bill, il fait tout à la main, en petit comité. Ses oeuvres, il les travaille de A à Z, sans jamais déléguer. On le ressent dans l'animation saccadée, les enchaînements de plans souvent barrés, l'organisation dynamique, sculpturale et chromatique de chaque séquence...
Enfin, les histoires, bien que consistantes, ne sont souvent que le prétexte à une envolée lyrique, à un enchaînement d'idées surréalistes, et une critique sévère de la société.

Lorsque j'ai su que son dernier film, Des Idiots et des Anges, pourtant sorti le 19 janvier de cette année, était encore visible ce dimanche à l'espace Saint-Michel à 22h, ça n'a pas fait un pli. Je me suis rué dans la salle de ciné. 



Au départ, c'est l'histoire d'un homme violent, alcoolique et peu fréquentable, qui va se voir pousser des ailes dans le dos, du jour au lendemain, et devenir un ange. Le film est dépourvu de dialogue, et seule la musique superbement choisie souligne les moments de gravité, d'humour, de grâce, ou de terreur qui touchent les quelques protagonistes de cette fable insensée. On alterne entre Tom Waits, Moby ou encore Maureen McElheron. On oscille entre blues éthylique, électro "acoustique" et balade douce. L'ensemble est politiquement incorrect, mais porté par un message, finalement, très moral. On rit, jaune, ou de bon coeur, c'est beau, laid, cynique, plein d'espoir... Les personnages évoluent, loin du pur manichéisme de bon nombre de productions actuelles.
Certaines scènes sont juste sublimes (la danse dans les nuages, ou le passage du cimetière), d'autres troublantes (l'apparition de ce double aviaire démesuré) ou encore touchantes (les oisillons qui volent hors du nid), mais on sent perpétuellement cette tension maladive et oppressante. Le beau n'est jamais loin du laid. Avec un vocabulaire artistique et métaphorique simple, ainsi que quelques personnages, Bill Plympton crée un autre monde, dans lequel on se lance comme quitterait le nid. D'abord avec circonspection, puis on prend confiance. Enfin, on se sent grisé. 
On sort, après une heure et quart et on ne dit pas un mot. On marche dans la rue, il fait doux. On se sent bien. Et l'on réalise que Bill a encore une fois rempli sa part du contrat. Maintenant, il reste à attendre 3 à 4 ans que le nouveau sorte. Mais en attendant, on peut toujours revoir ses classiques !

4 commentaires:

Axl a dit…

Non je ne connaissais pas, et non je ne l'ai pas vu. Mais mon bon môssieur, si encore ce genre de film n'était pas réservé à "l'élite" parisienne, peut-être que j'aurai pu le voir; au même titre que (dans un style complètement différent) 20th century boys (le film), Evangelion 1.0, ou encore le Bon, la Brute et le Cinglé.

Mais non moi je n'ai le droit qu'à Dragonball Evolution (que je ne me suis pas rabaissé à aller voir au ciné...) ou encore des films pourris comme Prédiction.
Enfin bon, moi j'dis ça, j'dis rien. :D

Potemkin a dit…

Fais pas ton fielleux. J'suis sûr que Hair High, tu ne l'as pas vu lorsque tu étais à Paris, alors qu'il est passé 2 semaines à l'UGC des Halles.

Axl a dit…

Je fais pas mon fielleux, c'est un fait. Et non effectivement, je n'ai pas vu Hair High, parce que je ne connaissais pas, faute à un manque de comm' courant sur ce genre d'oeuvre.

RiyeT a dit…

Tu m'as décidé à enfin y passer. J'ai vu plusieurs courts de Plympton à l'époque du grand Canal +, mais je n'ai jamais osé les longs métrages.
Je vais de ce pas mettre ça dans mes torrent ^__^

Vous étiez au moins...