mardi 21 décembre 2010

Les interviews fantastiques 2 : Le chasseur

Sam, le journaliste, tire sur les pans de sa veste pour se donner de la contenance. Pourtant, il n'en mène pas large. Autant sa précédente interview lui promettait-elle de la courtoisie, de la douceur, et, pourquoi pas, de la délicatesse ; là, il s'attendait au pire.
Arrivé avec une vingtaine de minutes de retard, l'homme s'installe. Il n'est pas très grand. Il aurait presque l'air civilisé. Les apparences sont parfois trompeuses. Cet homme que Sam s'apprête à interviewer est un célèbre chasseur de troll.
Il tend au journaliste une main d'une grande finesse. Lorsqu'il s'en saisit, Sam a aussitôt l'impression qu'un rouleau compresseur lui broie les métacarpes.
Il retire sa main endolorie et son interlocuteur s'excuse alors avec un sourire gêné.

"-Hem, *Aïe* Chasseur –si vous permettez que je vous appelle ainsi évidemment–..."

L'homme hoche alors la tête d'un air entendu :

"-Je ne sais pas comment vous feriez autrement.
-Bien, donc, Chasseur, vous exercez un métier particulièrement difficile par les temps qui courent ; comment vous est venue votre vocation ?
-Le plus naturellement du monde et sans que j'y prenne vraiment attention. Je voyais autour de moi des tas de gens se faire agresser par ce monstre infâme et en perpétuelle recrudescence. Et puis un jour, je suis intervenu. Je n'y ai pas vraiment réfléchi, je me suis simplement attaqué à cette grosse bête. J'ai tout de suite compris que j'avais ça dans le sang.
Bon, entre vous et moi, les premières fois, ça n'était pas joli-joli... J'avais du mal à estimer la force qu'il fallait déployer contre ces bêbêtes. J'ai un peu tout essayer : de "nu avec un gourdin" à "tirer à gros boulets avec un canon à bout-portant". Et puis, avec le temps, j'ai fini par trouver l'équilibre qui s'imposait et par me constituer une petite équipe d'intrépides avec laquelle je pourchasse toujours le troll, où qu'il se cache.
-Certaines personnes ne vous portent pas particulièrement dans leur cœur.
-Je pense que vous faîtes référence à ce que nous appelons les "bien-pensants" : ces personnes qui reprochaient à Desproges d'être impertinent de son vivant pour l'encenser une fois mort. Des personnes pour lesquelles je n'ai, il faut le dire, pas beaucoup d'estime."

Visiblement insatisfait par la réponse, le journaliste décide de pousser un peu plus loin.

"-On vous aurait... Disons, reproché d'user des même techniques que les trolls en certaines occasions.
-Hum, oui, je vois ce à quoi vous faîtes allusion. Des événements fâcheux. Et nous avons sans doute nos torts aussi, il ne faut pas nous voiler la face ; pour chasser le troll efficacement, il faut s'imprègner de ses moeurs, ses coutumes. Parfois, sans y prendre garde, cela ressurgit, en public. Et il peut y avoir des dommages collatéraux, mais nous essayons toujours de limiter les dégâts.
-Mais comment faîtes-vous pour trouver le troll ?
-Cela dépend. Il y a plusieurs catégorie de trolls.
Il y en a de particulièrement stupides : ceux qui se manifestent spontanément, qui vous donnent jusqu'aux armes pour les pourfendre. En général, il s'énerve, il tempête, et puis il tombe sous le coup de quelques traits acérés.
Il y a le faux troll, l'admirateur du troll : c'est certainement le plus facile à combattre. Il est mal équipé. Il suffit de lui mettre une bonne fessée, et généralement, il n'y revient pas.
Plus dangereux, il y a l'ancien chasseur de troll. Celui qui est passé de l'autre côté de la barrière. C'est qu'il faut y prendre garde, vous savez, personne n'est à l'abri d'une mutation soudaine. Ces derniers sont préparés à toute éventualité, et portent préjudice à notre profession.
Il y a le vieux troll : celui sur lequel plusieurs chasseurs se sont cassés les dents. Il faut donc être habile et l'attaquer au moment où il s'y attend le moins ; le guetter jusqu'à ce qu'il fasse une erreur, et alors LÀ, on s'enfonce dans la brèche. Je ne vous cache pas que pour ce genre de troll, il faut être prêt à s'attaquer même aux mamans.
Il y a le troll rigolo, ou troll débonnaire. Je pense notamment à Ralph Pootawn. C'est celui qu'on a envie de laisser vivre sa vie, qui ne fait pas vraiment de mal aux gens ou ne leur porte aucun préjudice, qui s'ébat joyeusement. On en enrôle certains pour combattre à nos côtés. C'est certainement le troll que je préfère : celui qui vous donne envie de croire en un troll meilleur.
Évidemment, plus on est nombreux à conjuguer nos forces, plus il est facile de s'en prendre à un troll. S'il n'appelle pas trop de renfort, le combat est plié en moins d'une journée.
-Et... Vous est-il déjà arrivé de combattre plus fort que vous ?
-Je ne veux pas me vanter, mais non, pas vraiment. Il y a eu de farouches batailles, bien sûr, et certains m'ont forcé à m'y reprendre à deux fois, à rassembler mes forces, à redoubler d'ingéniosité, mais dans l'ensemble, je ne vois aucune ombre au tableau.
-Quel est le pire troll auquel vous ayez été confronté ?
-Ha... Il est vrai que je ne me suis pas excuser pour les vingts minutes de retard. Vous avez du penser que j'avais relégué mon civisme au vestiaire."

Sam sent soudain qu'il tient une véritable exclusivité. Il ne parvient pas à retenir la question que tout journaliste professionnel se doit d'oublier définitivement : la question qui reste en suspend.

"-Voulez-vous dire que... ?
-Oui, vous allez être le premier à relater l'inénarrable.
Voyez-vous, les chasseurs de trolls sont souvent obligés, pour gagner leur croûte, de se rabattre sur des monstres publics, ou d'intervenir lorsqu'une demoiselle –ou plus souvent un quidam– se trouve menacée. Il est rare dans une carrière de pourfendeur de tomber sur un troll qui vous est dédié. J'ai rencontré le mien aujourd'hui même ! Un bon gros troll, velu, méchant, farouche."

Le journaliste considère alors le Chasseur avec un oeil neuf. On peut voir dans ses yeux passer ce qui s'apparenterait le plus à du respect.

"-Mais vous avez l'air parfaitement serein. Jamais je n'aurais pu penser que vous reveniez d'un tel échange !
-Ho, j'ai livré de plus longues batailles, mais aucune n'a égalé en intensité celle qui s'est déroulée aujourd'hui. Pour la première fois, j'ai ressenti des motivations bien différentes. Il est évident que tout troll tend à se retourner contre son agresseur, mais lorsque celui-ci vous prend directement pour cible, vous ne savez plus trop comment réagir.
-Finalement, comment vous en êtes vous sorti ?
-Je ne fais pas le fier, mais je pense avoir vaillamment lutté contre ses assauts. À mesure qu'il s'épuisait –le troll s'épuise souvent en injures et en vaines menaces, c'est quelque chose qu'il faut entretenir– j'ai fait appel à ma botte secrète : le contre-appel du troll. Parce qu'il y a souvent un humain particulier auquel le troll s'est attaché. C'est un atout majeure lorsque l'on est capable de trouver de qui il s'agit.
J'ai été sans pitié, et la bête est morte. Je n'exclue pas un retour de flamme, mais j'ai pris le temps de me prémunir. Si elle ressuscite, il y aura des sanctions pires que le shéol !
-Pour conclure cette interview, que feriez vous si je vous disais... HO MON DIEU, DERRIÈRE VOUS, UN TROLL !"

Le chasseur, sans se départir de son regard impavide, se lève et s'en va.
Alors, bien malgré lui, le journaliste ne peut s'empêcher de penser : "quand même... Quels types ces chasseurs de trolls !"

mercredi 24 novembre 2010

Je vous ai déja dit que : je suis sur Trimtab

Mes chers petits amis, vous le savez, je cite souvent le blog de Guillaume : Trimtab. Et bien sachez qu'aujourd'hui, votre dévoué serviteur y écrit un petit billet sociologique sur les zombies. Je vous invite donc à vous rendre sans plus attendre ici.

Et pour savoir ce que cet article m'a inspiré, je vous enjoins, si ce n'est déjà fait, à lire Z-World, première partie.

Je reviens plus tard avec une interview fantastique !

vendredi 19 novembre 2010

Z-World 1

Voilà le début d’une histoire assez basique, avec un postulat simple. Mais je ne vais pas vous le déflorer avant que n’ayez commencé à lire. Car je suis contre les quatrièmes de couverture. En effet, si la vie était une quatrième de couverture, combien d’entre nous la refuseraient-ils de la lire ?



La nuit était tombée depuis longtemps sur le chemin de terre, et il était complètement désert à présent. Les ombres de la forêt environnante menaçaient le cavalier solitaire qui avait eu le courage de continuer sa route. La lune avait atteint son zénith et perçait çà et là la frondaison, apportant à la scène un éclairage bleuté. Le visage du voyageur demeurait dans l’ombre d’un capuchon de lin. Malgré la moiteur estivale, l’homme portait des vêtements épais qui le couvraient entièrement. À son flanc pendait un baudrier dont les attaches en argent tintaient légèrement contre le pommeau d’une épée à chaque foulée de l’étalon. Ses mains étaient gantées de cuir ; sa droite tenait fermement les rênes de son pur-sang noir tandis que sa gauche effleurait sans cesse la garde de sa lame. Ses yeux scrutaient l’obscurité avec attention.

Au bout de quelques minutes, le cavalier s’immobilisa. Sa monture semblait en proie à une agitation que, depuis le temps, il connaissait.

Grobak mis pied-à-terre, et se dirigea d’un pas assuré vers la demeure délabrée, vestige d’un autre temps. La troupe qu’il suivait avait dû espérer trouver un endroit sécurisé où passer la nuit. Comme à chaque fois, il se repassa mentalement toutes les règles pour vérifier s’il n’en avait enfreint aucune. À priori, pas jusqu’à maintenant.

On comprenait très rapidement pourquoi cette maison était demeurée inhabitée –jusqu’à aujourd’hui– : de larges fenêtres qui laissaient passer la lumière, dépourvue de fossé de délimitation, un rez-de-chaussée de plain-pied… Passons sur la forêt qui n’avait sans doute pas recouvert tout ce territoire à cette époque, mais c’était en soi un miracle, ou une aberration, que quelqu’un ait permis la construction d’un tel édifice ; sans doute quelque riche excentrique. Et qui que ce fût qui avait tenté d’y trouver refuge, il semblait dénué de toute forme de bon sens.

Grobak s’attendait à ce que ça grouille. Les espaces clos, il détestait ça. À une dizaine de mètres de lui, la porte était encore fermée. Mais la maison était toujours plongée dans l’obscurité. C’était un signe qui trompait rarement. Ça et l’ombre qui passa à une des fenêtres du premier étage.

Il sortit la lame et s’avança, épée au clair. Il activa la poignée de la porte d’entrée qui s'ouvrit sans résistance. « S’il y avait une entrée secondaire, songea-t-il, ils m’auraient attaqué depuis longtemps. »

La porte grinça faiblement et dans son dos, son cheval recula de quelques pas. Il avait vu juste. Les chevaux sentent la mort. Toujours. Le sien était encore jeune, et il devait s’attendre à tout moment à ce qu’il détale, ce qui n’arrangerait pas ses affaires. Il se devait d’agir le plus rapidement possible.

Une fois la porte ouverte, si lui pouvait les sentir, la réciproque était vraie. Et ils n’allaient certainement pas tarder à accourir des étages supérieurs. Grobak remonta sur son visage son écharpe, affirma sa prise sur son arme et se prépara au combat. Tout ce qu’il fallait, c’était mettre la main sur la lettre. Et il saurait reconnaître son porteur lorsqu’il le verrait. « L’avantage, pensa-t-il, c’est que maintenant, je n’aurai plus à le traquer. C’est lui qui viendra à moi ».

Il s’engagea sans hésiter dans le hall d’entrée, et referma derrière lui la porte. Le cheval aurait moins de chance de s’enfuir ainsi. La pièce était plongée dans les ténèbres lorsqu’il entendit le premier grognement, sur sa gauche. Il y en avait donc au rez-de-chaussée. Et ils allaient rameuter les autres. Grobak sourit sous son écharpe. Ils étaient frais du jour, cinq, six au plus, il n’aurait aucun mal à les contenir tous.

Il tendit son bras armé sur la gauche, dans le prolongement de son épaule. Bien que son coup portât, le beuglement de la créature retentit de nouveau. Il avait raté le crâne. Au jugé, il s’était enfoncé dans la cage thoracique de son adversaire ; un sacré morceau. Il retira sa lame pour asséner un deuxième coup, en taille celui-ci, mais beaucoup plus violent, une vingtaine de centimètres plus haut. Le gémissement rauque mourut dans la gorge de l’être dont la tête se détacha du corps.

Le spadassin s’aventura dans la pièce de laquelle avait émergé la première créature. Au moins était-elle baignée par le clair de lune, aussi pourrait-il se fier à sa vue. Simultanément, des bruits de pas rapides se firent entendre dans les escaliers, suivis de cris animaux. Grobak se tint prêt. Et quelques secondes après, ils pénétrèrent dans le halo lumineux. Il y en avait trois. Ils n’avaient déjà plus rien d’humain. Leur visage avait été arraché, mastiqué ; l’œil droit de celui qui lui faisait face pendait, minablement retenu par le nerf optique dans son orbite creuse. Entre les côtes mises à nu du second saillait un poignard enfoncé là avec la force du désespoir. Le troisième se répandait en morceaux de chair putréfiée.

Le premier infecté de la troupe devait se trouver ailleurs. Pour qu'ils se finissent tous de la sorte, l'incubation avait dû non seulement fulgurante, mais surtout invisible. Un cas de survivance spontanée ?

Le messager n’était pas là. Cela contrariait beaucoup Grobak. Et s'il avait réussi à s'enfuir ?

Ses gestes furent beaucoup plus précis cette fois ; il devait faire vite. Le premier mort-vivant eut tout juste le temps de lever un bras que l'épée de Grobak s'enfonçait déjà entre sa mâchoire béante pour ressortir au niveau de l'occiput. Il s'écroulait à peine que l'épéiste se fendît d'un coup qui emporta la moitié supérieure du crâne du deuxième. Le dernier tenta de lui saisir le bras ; il lui brisa le tibia d'un coup sec. Alors que son corps s'affalait Grobak le décapita. Il n'avait pas le temps pour plus de raffinement. Son cheval ne tarderait pas à attirer à lui tous non-morts des environs.

Toujours encapuchonné, il remonta les escaliers. Intuitivement, il monta directement au deuxième étage. Ils avaient été relativement bruyants en bas. Si aucun autre mort-vivant ne les avait rejoints, c'est qu'ils devaient être occupés ailleurs.

Lorsqu’il atteignit le palier du second, il entendit les bruits caractéristiques de mastications. Sa seule pensée fut pour la lettre : « Pourvu qu’elle soit lisible. »

Le dernier étage était pourvu de baies panoramiques qui lui permettaient de voir aussi distinctement qu'à l'extérieur. Il n'en demandait pas tant. Il enfonça avec fracas la porte de la salle d'où provenait l’agitation macabre. Les deux créatures étaient en plein repas. L'odeur aurait été insoutenable pour beaucoup. Il avait juste fini par s'y habituer.

Avant qu'ils ne fassent mine de se relever, Grobak fit jaillir son épée qui emporta le crâne du premier comme si la lame était passée au travers, et continua sa lancée pour trancher la moelle épinière du second en profondeur. Sa tête bascula en avant sans totalement se détacher du tronc, encore retenue par quelques tendons. Les corps s’affaissèrent mollement sur le côté. Par précaution, et bien qu'il sembla incapable de se mouvoir vu l'état dans lequel ses deux anciens acolytes l'avaient laissé, Grobak décapita leur “festin“ avant qu'il ne se réveille.

Grobak jura. Le messager n’était pas là, il avait donc réussi à partir avant que l’épidémie ne frappe le groupe dans son ensemble. Il devait repartir. Maintenant.

Le spadassin fit volte-face. Il avait entendu du bruit. Dedans ou dehors ? Il courut jusqu'aux larges fenêtres. D’autres créatures sortaient de la forêt. Le cheval était toujours là, même s’il semblait lutter contre ses instincts pour ne pas s’enfuir. Brave bête.

Grobak se jeta dans l'escalier. Il avait entendu de l’agitation aux étages inférieurs. C’était un avantage : mus par la faim, les cadavres étaient bruyants. Mais dans ce cas précis, il semblait plus nombreux que ce que Grobak avait d’abord imaginé. Tout autour de lui, dans les chambres, dans les escaliers, sur le palier, il entendait déjà résonner les râles des morts. Beaucoup trop nombreux. Ceux de la troupe qui avaient réussi à s’enfuir n’étaient pas passés par la porte principale. Il existait donc une entrée secondaire. Il s’était précipité, persuadé qu’il n’en était rien.

Jamais il ne pourrait pas s'en sortir en fonçant dans le tas. Mais mourir sans avoir tout donner lui paraissait insupportable. Déjà, un mort lui saisissait le bras. Il tenta de percer le cuir de son gant avec ses dents, mais sa mâchoire se déboîta. Il avait moins d’un an. Trop vieux pour être dangereux, trop jeune pour se régénérer. Grobak lui décocha un puissant coup avec le pommeau de son épée, et sa nuque émit un craquement sec. Il balaya l’espace avec son arme ; trois autres créatures s’affalèrent. Cinq prenaient déjà leur place. Il jeta un rapide coup d’œil autour ; les fenêtres étaient toutes hors de sa portée à cet étage. Réfléchir, vite. Il y en avait déjà trop pour qu’il tente une percée au rez-de-chaussée. Il ne pouvait pas non plus remonter. Ça aurait été une erreur de débutant. « Pas la pire que j'ai fait aujourd’hui, songea-t-il. ».

Il s'engouffra à nouveau dans les escaliers pour remonter au deuxième étage. Il voyait clair, aucune forme de peur ou d’empressement ne troublait son jugement. Ça n’avait jamais été une proie. Il rengaina sa lame et courut. En dessous de lui, les grognements s'accentuèrent, et les pas devinrent plus lourds. Ils courraient maintenant. Il n'avait pas le temps de s’inquiéter. Aussi plongea-t-il sans hésitation à travers la baies vitrée.

Puis tout se déroula au ralenti. Il pivota sur le côté en se roulant légèrement en boule pour atténuer la chute. Il estima exactement la distance qui le séparait du sol : 7m50. Le jardin avait connu un semblant d'aménagement, même si cela avait été des siècles plus tôt. Il ne risquait pas de se réceptionner sur un rocher. Il pourrait sans problème atteindre son cheval avant les morts-vivants.

Tout allait se jouer dans les quelques secondes à venir.

Soudain, la porte d'entrée de la villa s'ouvrit à la volée, libérant un flot impressionnant de cadavres ambulants. Beaucoup plus nombreux que ce qu’il avait envisagé, effectivement. Grobak ne toucherait pas le sol avant deux secondes : une éternité. D'ici là, ils seraient sur lui.

Sans vraiment savoir pourquoi, il s'empara de son épée et porta un coup en direction du sol. La lame se planta dans la terre molle. Fort de cette prise il tira sur son bras pour faire levier et ainsi se propulser un peu plus avant. Il avait gagné presque un mètre et l’accélération qu’il lui fallait. Il effectua une roulade, profita de sa lancée pour se redresser et courir vers son cheval. Entouré de corps en putréfaction, il ruait dans tous les sens. Il s’arrêta et commença à galoper en direction du chemin de terre. Grobak ne pouvait pas le laisser s’enfuir. Il bifurqua pour couper la trajectoire de son cheval.

Il était à quelques mètres du pur-sang. Il tendit une main pour le saisir par les mors ; tenter le calmer sans l’arrêter totalement.

Soudain, il chuta. Son pied venait de se coincer dans tronc –humain, et visiblement affamé– recouvert de terre et de feuilles. Voilà qui était inattendu. « Pas maintenant, pensa-t-il. Pas maintenant ! »

Sa main se referma par réflexe sur la bride de l’étalon qui continua à galoper. Il ne cherchait plus à l’arrêter. Il assura encore sa prise, et s’enroula dans son manteau. Il devait éviter les blessures.

Il devait continuer à chercher le messager. Il n’avait pas conscience de l’importance de l’information qu’il détenait. Peut-être pourrait-on enfin s’affranchir de la peur millénaire.

Grobak, toujours accroché à son cheval, disparut dans la légère brume nocturne.



Qu’aurait été le monde s’il n’avait jamais existé. Morts-vivants, revenants, hommes creux, non-morts… Nous leur avons donné tant de noms. Et pourtant, nous ignorons toujours d’où ils viennent, ce qu’ils sont, quelle est leur finalité.

Les écrits témoignent qu’ils ont toujours existé. Depuis la nuit des temps, nous devons partager notre terre avec ces créatures qui prennent sans émotion le visage des êtres qui nous sont chers pour mieux nous dévorer. Est-ce le legs macabre de nos lointain ancêtres ? D’une civilisation qui aurait vu naître les germes de sa propre destruction ?

Les théories les plus récentes veulent qu’ils soient tout simplement porteurs d’une infection. Mais quel type de maladie est capable de simuler la mort pour mieux nous tromper ? Quelle aberration veut que des blessures qui nous atteindraient mortellement ne leur causent aucune douleur ?

Nous avons mis plusieurs millénaires avant de prospérer malgré leur présence ; à constituer des cités éparses, des semblants de communautés. Grâce à notre capacité d’adaptation, nous avons pendant quelque temps limité la menace qu’ils constituaient.

Mais l’homme est un loup pour l’homme. Un jour, une communauté émerge, puis une autre. Quelqu’un tente d’y asseoir son pouvoir, sa domination. Et c’est ainsi que les guerres éclatent. Nous ne sommes pourtant pas suffisamment nombreux pour nous permettre de grandir leurs rangs.

Parfois, ils semblent avoir totalement disparus. Et lorsque nous nous y attendons le moins, ils reviennent, plus forts. Le temps joue en leur faveur. Nous pensions qu’ils étaient tous lents, malhabiles, que leur seule force résidait dans la masse. Mais eux aussi ont commencé à évoluer. Leur peau flétrie a commencé à se régénérer. Certains sont devenus plus rapides, plus vicieux… Plus silencieux également. Et leur nombre croît chaque jour.

Mais tout n’est pas encore perdu. L’humanité est pleine de ressources, et s’accroche au moindre ridicule fragment d’espoir qu’on veut bien lui céder. Il est là, quelque part, cet Espoir. Et maintenant, nous savons de qui il s'agit.

J’ai dépêché un homme sûr pour nous ramener cet Espoir. Dorénavant, j’attends.

mardi 16 novembre 2010

Putain deux ans !

Alors voilà, on arrive, un beau matin, avec un petit blog sans prétention, et de fil en aiguille, on s'aperçoit qu'on commence à avoir des gens qui nous lisent, qu'on s'est ménagé un petit espace d'expression sans rien demander à personne, et que, bah, finalement, ça fait maintenant deux ans que ça dure !

J'ai commencé à tenir ce blog à une période relativement trouble de ma vie (cf. mon premier billet, encore pompeux). C'est quelque chose que je voulais faire depuis un petit moment déjà, mais au fur et à mesure, lorsque j'ai commencé à m'y intéresser, après avoir entendu parler d'"influence", de billets sponso, et de blogosphère, j'ai eu un peu peur. Mon monde était déjà assez barré pour ne pas, en plus, évoluer dans ce milieu.
Puis est venu le besoin d'écrire, tout simplement, avec des périodes de vaches maigres, et d'autres d'inspiration foireuse. Et j'ai réalisé, tout simplement, que mon blog était un peu comme ma vie : en marge. C'en était même prétentieux de penser que j'aurais jamais pu en venir à côtoyer ce milieu, lorsque l'on considère ce que j'écris.

Alors oui, ma "ligne éditoriale" est peut-être aussi peu rigide que ma pensée, et il m'est souvent arrivé de ne, tout simplement, rien avoir à vous dire. Je ne vous raconte pas ma vie, ou peu, je vous livre des réflexions sibyllines, et me tiens à l'idée première de vous narrer des chroniques absconses.

Mais il y a une chose que je peux vous assurer, là, tout de suite : c'est que j'ai excessivement envie d'écrire en ce moment. J'espère que ce ne sera pas passager, mais constant. J'ai vraiment la volonté de poursuivre le cycle de Terra, ou d'autres textes laissés en plan. Et j'espère que vous serez là pour me rappeler à l'ordre, mes chers petits amis ! Merci à tous ceux qui sont restés fidèles.

En attendant, un texte à venir demain !

lundi 15 novembre 2010

Interview fantastique 1 : Le Prince Charmant

L'homme cherche un visiblement le petit bouton d'enregistrement de son magnétophone. Il n'a pas l'air particulièrement rodé : ses mains tremblent, il est vraisemblablement impressionné de se retrouver en présence de son interlocuteur. Pour faire bonne figure, il pose son enregistreur sur la table en bois qui les sépare, croise les jambes, sort un petit calepin et un stylo, et remonte ses grosses lunette en écailles sur son nez.
Amusé, le Prince Charmant tente de le rassurer avec un sourire, provocant l'effet inverse ; Le journaliste se raidit encore d'avantage dans son fauteuil Louis XV.

"-Bien, Prince Charmant, je vous propose de commencer l'interview sans plus attendre.
-Parfait, je vous attends. Vous a-t-on proposé de boire quelque chose ? N'importe quoi ?"

Le prince n'a visiblement pas à se forcer pour être, si ce n'est charmant, tout du moins attentif et serviable.

"-Je... oui, non, merci, c'est très gentil à vous, j'ai tout ce qu'il me faut. Commençons s'il vous plaît.
-Je vous écoute.
-Bon, parfait. Premièrement, Prince, une question que l'on a du vous poser à de multiples reprises, mais... Le journaliste cherche quelques instants la meilleure formulation possible. Bon, comment assumez-vous aujourd'hui, votre statut ?
-Effectivement, c'est le genre de question que l'on est souvent amené à me poser. Mais ne vous en excusez surtout pas, je vous rassure, mes amis n'en reviennent toujours pas, eux non plus, vous savez.
Pour vous répondre, je dirai tout simplement que je ne suis pas né prince. Et en toute honnêteté, jusqu'à l'année dernière, j'étais non seulement persuadé que cela ne m'arriverait jamais, mais que je ne m'en porterais pas plus mal. J'imagine que j'ai juste eu une chance insolente, même si ça n'est pas tous les jours facile de porter ce titre.
-Justement, parlons-en de ces facilités : notoriété, prestige, pas encore pouvoir, mais j'ai entendu dire que ça ne saurait tarder... Est-ce si compliqué que cela d'endosser toutes ces responsabilité ?

Le Prince sourit à nouveau. son regard francs et clair semble se perdre un peu derrière le journaliste.

- Et bien, je pense que vous vous arrêtez à la partie émergée de l'iceberg mon cher ami. Et à vrai dire, possiblement sur toutes les facettes de ce personnage que l'on me prête et que je suis le plus susceptible de détester. Mais je vous comprends. Il est vrai que la réception de cet hôtel est quelque peu impressionnante, ce n'est pas le genre de chose auxquelles on se fait rapidement. Le journaliste réalise que le Prince vient quasiment de le traiter d'amateur sans se départir de son sourire, avant de reprendre. Voyez vous, j'ai pris sur mon emploi du temps pour venir vous répondre, car être le Prince Charmant me contraint à concilier tous les aspects de ma vie d'avant avec mes obligations chevaleresques. De prince, je n'en ai que le titre.
-Que votre "chère et tendre" comme vous vous plaisez à l'appeler, a pourtant dénigré il y a peu.

Le Prince regarde à nouveau le journaliste droit dans les yeux. Il s'y attendait à celle-là.

-Effectivement. Un jour, je suis un preux chevalier, et le lendemain, elle décrète la "mort du Prince Charmant". J'imagine que mes prédécesseurs exerçaient un métier plus en accord avec leur temps.
Auparavant, on était un Prince à plein temps. La femme restait dans son donjon, on s'entrainait à pourfendre quelques dragons, orcs, ou traîtres, et on allait la sauver. S'ensuivait généralement un mariage, on engendrait une tripoté de marmots prêts à reprendre le flambeau de l'un ou l'autre des parents, et on vivait heureux pour jusqu'à la fin des temps -valeur relative lorsque l'on était appelé à mourir à 35 ans. Pour cela, je vous assure, votre lignée n'était pas du genre à vous traiter de machiste consommé, à prendre les décisions politiques opposées aux votre ou à fomenter votre perte avec une petite révolution parricide.
-Tandis-qu'aujourd'hui... ?
-Disons que la vie d'aujourd'hui a quelque peu changé l'exercice de la fonction. Pour commencer, il faut savoir que la principauté charmante n'entretient plus son homme. Ho, depuis un certain cahier de doléances en 1789, certes, mais il fallait le rappeler. Ensuite, il faut toujours composer avec les monstres, mais on guerroie à présent presque uniquement avec des hordes de trolls, qui ont chassé toutes les autres créatures fantastiques. La WWF tente bien de réintégrer quelques dragons, licornes ou tyrannosaurus-rex, mais rien n'y fait, le troll prédomine toujours. C'en est lassant à la longue. D'autant que les assauts peuvent surgir de n'importe où, et croyez-moi, ça n'est pas toujours facile de se promener avec une épée bâtarde lorsque l'on porte un costume Paul Smith dans le métro, ou, plus compromettant, lorsque l'on profite d'un instant de grâce dans la couche de sa dulcinée.

Le journaliste semble soudain avoir retrouvé son âme d'enfant. Il s'agite à présent dans son fauteuil, oublie sa gêne son impertinence, et boit les paroles du prince.

-Mais au-delà de ses simples choses -assez futiles finalement-, la vraie révolution dans ce monde de prince et de charme est toute féminine.
-Voulez-vous dire que vous regrettez l'époque "bénie" où la chaste princesse vous attendez bien sagement en pratiquant des activités aussi utiles que la couture ou le chant et la harpe ?
-Non, bien sûr que non. Je ne suis pas seulement pour la libération de la femme, je pense également et depuis ma prime enfance que la différence, quelle soit sexuée ou ethnique, n'est qu'un outil de contrôle primaire datant d'une période révolue.
Simplement... Simplement il est certain que le rôle fait moins rêver qu'autrefois, que les petites filles ont a présent bien grandi, qu'elles travaillent et s'amusent parfois plus que vous ; vous n'êtes pas à l'abri d'une humeur changeante, ou d'un malandrin croisé dans un quelconque bar obscur et qui aura tôt fait de vous retirer votre titre, votre honneur, et la femme de votre vie.
-Si j'entends bien ce que vous dîtes, Prince, vous n'êtes qu'un homme comme les autres, un peu plus romanesque et romantique peut-être ?

Le Prince sent la pitié de celui à qui l'on vient de briser un rêve poindre dans les paroles du journaliste. Il n'en demeure pas moins souriant. Il a l'habitude auprès de la gent masculine.

-Ho, non, au contraire. J'aurais tendance à vous dire que je suis moins qu'un homme. Pour beaucoup, je ne suis plus qu'un titre, et j'espère simplement le conserver le plus longtemps possible, même s'il est entaché, ou qu'il a perdu de sa superbe.
Je pense que beaucoup m'envient, et je ne me plains pas. Il s'agit simplement d'un combat permanent. Mais qu'il est doux d'en retirer les fruits, chaque soir et chaque matin.
-Vous voulez dire... ?
-Auprès de ma "chère et tendre", oui, parfaitement. Car vous savez, finalement, s'il y a bien une seule personne pour laquelle je souhaite préserver mon titre, c'est bien elle.

Le journaliste remercie le Prince Charmant de lui avoir consacré du temps, se relève, un peu décontenancé. C'est bien la première fois qu'un personnage fantastique lui paraît aussi réel. Et aussi touchant. L'attachée de presse lui fait signe, il va régler les derniers détails avec elle.
Le Prince Charmant se retire, quitte le hall du Georges V, remet sa cape, et remonte sur son alezan farouche.
Au milieu de la circulation, le journaliste le suit du regard pendant un temps, et il continue de se répéter : "vraiment, c'est pas toujours facile d'être le Prince Charmant"

mercredi 3 novembre 2010

Je vous ai déjà dit que : Ma femme est une blogueuse.

Je ne sais pas si vous l'avez vu ce film d'Yvan Attal, Ma Femme Est Une Actrice, avec sa femme : Charlotte Gainsbourg. Moi, non. Mais je pense que je commence à en comprendre le sentiment qui l'a animé.

Parler d'autrui, c'est une démarche que j'ai déjà entrepris à plusieurs reprises dans ces pages. Pourtant, je vais m'attaquer à un exercice doublement périlleux : je vais vous parler de la maintenant très célèbre Marion_mdm. Pourquoi doublement périlleux ? Très simplement parce que tout semble avoir déjà été dit sur la demoiselle, et qu'en plus, beaucoup savent que j'aurai certaines difficultés à être parfaitement objectif.

Marion, pour beaucoup, à la base, c'est ça et ça. Il en est un certain nombre qui n'ira pas plus loin, et ne le cherchera d'ailleurs pas.
Marion, c'est également la jolie brune qui parle en mâchant un peu ses mots dans un reportage d'Envoyé Spécial, ou encore celle grâce à qui on se met à parler de "demie-bite" au Grand Journal. Marion, c'est également un mot, dont elle est fière : "pathignon", qu'elle arrive à placer dans le Figaro Magazine dont elle a fait la couverture, pas plus tard que la semaine dernière. Oui, je sais , si vous lisez mon blog, vous devez déjà être familiers avec tous ces concepts, je vais arrêter de les ressasser ici.
En un mot comme en cent, Marion est devenue, grâce à son style, son impertinence, mais également un peu par hasard (et je sais qu'elle va m'en vouloir de dire cela de la sorte), un phénomène du net. Ne nous méprenons pas mes chers petits amis : il est fort peu probable que vous ou moi y arrivions en procédant de la même manière. Marion a du succès, et elle ne le doit qu'à elle-même. Les légions de trolls qui s'amassent à ses portes n'y peuvent rien : Marion est inattaquable sur le fond, raison pour laquelle ils se rabattent derrière des propos sexistes, ou pointe une forme de misogynie testostéronée, celle du mâle qui se drape dans son orgueil que 5000 ans d'histoire (et bien plus de préhistoire) lui auront concédé -moyennant quelques guerres et pas mal de tâches et bévues.

Mais quoi qu'il en soit, ses vieux détracteurs comme ses admirateurs de la dernière heure ont le raccourci facile. Celui qui a le don de m'énerver aussi.

J'ai lu l'article de Guillaume, et je ne pouvais qu'être d'accord avec ce qu'il disait, car je sais que lui la connaît pour ce qu'elle est. Je dois avouer m'être emporté dans un premier temps contre ce petit con qui venait de me voler un article que je n'aurais de toute manière jamais pu publier en raison de ma situation sentimentale avec la demoiselle.
Enfin, cela c'était avant de réaliser que, justement, non. Tout au contraire ! Après tout, pourquoi me serait-il interdit de publier quoi que ce soit en vertu du fait que je suis (attention, je vais lancer quelque chose d'énorme, une sorte de bombe aux relents de spoiler, PRÉPARE-TOI LECTEUR !) le Dernier -fucking- Garçon !?

Alors voilà, c'est dit : et je dois vous avouer, mes chers petits amis, que ça n'est pas forcément non plus tout le temps facile de composer avec des fantômes qui surgissent d'un passé numérique relativement récurent, puisque largement médiatisé. Pas plus que de se retrouver quelque peu enfermé dans le carcan d'un rôle pour lequel on n'est pas sûr d'être taillé.

Je devais être l'un des rares à ignorer tout de sa médiatisation au moment où je l'ai courtisée. En témoigne un texte publié en ces lieux concernant notre rencontre -un de ces nombreux textes qui ne trouvera jamais de suite, je suis d'une inconstance affligeante. Des concepts tels que le Stalker, les PCRA ou autres "bite"-ures (concédez-moi ce mauvais jeu de mot, je vous en conjure) m'étaient alors étrangers. Oh, j'ai depuis largement rattrapé mon retard (bien qu-il m'apparaisse intrusif de m'attarder sur certains pans de la vie de Marion), et je dois être l'un de ses plus grands fans ; il serait dur de faire autrement si l'on considère la place de choix que j'occupe dans ses textes depuis un certain temps, et avec une constance que je ne peux qu'apprécier.

Je voulais donc écrire cet article sur cette demoiselle qui me supporte depuis huit mois maintenant pour remettre les pendules à l'heure et couper court aux (nombreux) raccourcis. Ma "femme" est une blogueuse, de talent, à l'écriture intelligente et intelligible, accessible, douée, profondément humaine. C'est une analyste, une sociologue, une romancière. Marion mène son petit bonhomme de chemin sans rien demander à personne, sans être agressive ou gratuite comme le sont beaucoup trop de personnes sur la blogosphère. Marion est l'une des rares personne à "exister" sur internet.

Alors il est vrai que cela peut énerver. Mais en attendant, mes chers petits amis, essayer donc d'assumer comme elle le fait, et nous en reparlerons !

PS : Parler de légions de trolls est peut-être quelque peu exagéré, mais j'aime à me considérer comme un pourfendeur d'un temps oublié, qui chevauche sa licorne en faisant des ravages dans les rangs ennemis.

lundi 25 octobre 2010

Jungle ordinaire

Il court, il se faufile, il lutte. On dirait qu'il fuit, mais peut-être se débat-il seulement pour survivre. Autour de lui, les mouvements frénétiques et incontrôlées de la faune fanatisée ne cessent de lui glacer les sangs. Il est agressé de toute part. Les sons amplifiés, déformés, grotesques, se répercutent tout autour de lui. Les odeurs pestilentielles lui arrachent quelques larmes au passage. Ho, bien évidemment, certaines personnes ont bien tenté de le prévenir, de le dissuader, mais cela n'a fait que le conforter dans son idée. Il a toujours eu ce caractère contradictoire et aventureux. De plus, s'il tient bon, le jeu en vaudra la chandelle.

Au bout de quelques minutes, il se retourne : il est perdu. Est-il déjà passé par ici ? Il ne s'en souvient pas. Il aurait du prendre quelque chose pour se repérer ; marquer son passage. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il emprunte ce chemin, mais tout lui semble différent. La dernière fois, c'était de nuit, mais il est vrai qu'en ces lieux, la notion de temporalité n'a plus guère qu'une importance relative.

Et puis, il l'aperçoit : la lumière, au fond du tunnel. Simultanément, il entend ce bruit salvateur et caractéristique. Il prend son élan et court. Il n'a plus que quelques secondes avant que les portes ne se referment ; plus que quelques secondes avant de perdre la raison, et le peu qu'il lui reste de conscience et d'humanité. Il DOIT franchir ses portes !
Il joue des coudes pour se frayer un passage. Il écarte les assauts du revers de la main et réussit à manoeuvrer sans jamais perdre de vitesse. Ses poumons brûlent, son coeur tambourine quelque part entre son sternum et son larynx ; sur ses tempes perlent quelques gouttes de sueur. Sueur froide ? Si seulement... Mais il fait si chaud ici. Pourtant, quelque part, c'est l'automne.
Dans un ultime effort, il plonge.
Derrière lui la porte se referme en un cliquetis mécanique. Il l'a fait ! Il pensait ne jamais y parvenir, et pourtant, le voilà sortie de cette... "De cette jungle" pense-t-il tout haut.

Il reprend son souffle, il halète encore quelque peu. Il prend sur lui pour se redresser, tout en s'appuyant contre la porte, hermétiquement close à présent.
Il ne saurait dire exactement dans quelle mesure, mais les choses lui semblent toujours hostiles. Et si... Et s'il n'était pas encore au bout de ses peines ?!
Le sentiment de malaise grandit en lui, à mesure qu'il balaye l'espace de son regard. La salle pourrait être accueillante s'il n'y avait pas cet amas de corps entassés les uns sur les autres, cet enchevêtrement animal et contre-nature. Tout à coup, il se souvient : il se souvient l'horreur, il se souvient s'être déjà fait avoir. Il se souvient de son but : sortir de là le plus vite possible.
Il guette le plafond, comme s'il s'attendait à ce qu'il s'affaisse. Par précaution, il se colle un peu plus contre la porte. Il ferme les yeux, rassemble son courage, attendant le moment propice. Il va lui falloir jouer serré.

Tout à coup, la porte s'ouvre à nouveau ! Il pourrait saisir cette occasion pour sortir, si un flot continu ne le repoussait pas à l'autre bout de la pièce.
Voilà... Exactement ce qu'il devait éviter. Maintenant, il est complètement collé à la paroi extérieure de la pièce, incapable de bouger. Il ne pensait pas que son périple cesserait si rapidement. Il n'a aucune idée de comment se dépêtrer de cette situation. Il pourrait être suspendu dans le vide par l'intermédiaire de deux cordes sur le point de lâcher que la situation lui semblerait moins inextricable.

Et puis soudain, l'espoir. Oui, il se souvient également que cela c'était passé exactement comme cela la dernière fois. Et puis il avait entendu résonner ces mots : "À cette station, descente à gauche. Doors open on the left. Uscita a sinistra", la paroi contre laquelle il était appuyé s'était ouverte, il était descendu. Quelques instants plus tard, il émergerait de la station de métro, rasséréné.

Comme la dernière fois, il se le promet : la prochaine fois, il prendra le bus.

_______________________________________________

Je dédicace ce texte sur le métro aux jeunes touristes ; aux nouveaux Parisiens ; aux vieux baroudeurs affligés, toujours rêveurs, jamais blasés ; à toutes les personnes qui n'ont pas encore réussi à y trouver leurs marques ; à tous ceux qui empruntent cet espace hors du temps, dans lequel sont bafoués de valeurs aussi fondamentales que la courtoisie, la politesse, l'élégance et le de respect d'autrui. Bref, c'est à vous que je dédicace ce texte, mes chers petits amis !

mardi 5 octobre 2010

Coupable

Silence. Trop de non-dits valent-ils mieux que de ne rien se cacher ? Vaste question. Parfois, on ne se contrôle tout simplement pas. Les mots volent alors qu'ils auraient du ne jamais former autre chose qu'une pensée inféconde.
Ai-je été stupide ? Sans doute. Je pensais être un bon juge de la nature humaine, et voilà que j'ai perdu tous mes repères. Et vient le besoin salvateur de continuer à écrire, pour ne pas se perdre, pour faire le point.

J'ai tort. Je vais partir de ce postulat. Et je vais essayer de comprendre pourquoi. Vous allez m'aider, hein, ne pensez pas simplement vous repaître du spectacle désolant de ma mélancolie lancinante !

Donc, j'ai tort. C'est une certitude. Depuis quand, je ne sais pas trop ; longtemps sans doute.
Nous allons donc travailler sur la temporalité pour commencer :
J'ai tort depuis des semaines, des mois, des années. Et le pire, c'est que j'en ai bien conscience. J'ai tort de n'avoir jamais su placer les limites qu'il fallait. J'ai tort de leur avoir laissé une place si importante dans ma vie que je pensais que seul leur avis était capable de sous-tendre mon petit monde. Je suis coupable de ne pas savoir dire non, de vouloir ménager la chèvre et le chou. Je suis fautif de laisser certaines situations s'enliser, jusqu'à ce qu'elles explosent. Je suis souvent incapable d'assumer les conséquences des actes d'autrui que j'ai pu engendrer. Et la preuve en est certainement que je n'assume pas ne pas savoir assumer.
Ces choses constituent un état de fait. J'ai toujours été ainsi, d'aussi loin que je m'en souvienne. Je suis, bien malgré moi, une sorte de caméléon sociale, et ces points dirigeaient ma vie sans que j'y prenne garde, me permettaient de passer entre les gouttes.

On constate donc que le temps, ça ne permet pas de tout cerner. Et si nous essayons de voir sur quel point précis je suis en tort actuellement ?

J'ai tort de ne pas être capable de voir les choses ou tout blanc ou tout noir ; de ne pas être manichéen en somme. J'ai tort de ne pas donner inconditionnellement raison aux sentiments, et de laisser ma raison s'emporter lorsqu'on lui parle de ressentir. J'ai tort de vouloir faire bouger les choses ; de ne pas supporter l'idée qu'un avis se cristallise ; de ne pas vouloir cloisonner ma vie.
Mais ma plus grosse faute, c'est certainement de leur avoir laissé le choix de me blesser, de pardonner parce qu'ils me sont si proches, et de ne pas comprendre que d'autres ne le puissent pas.

Je pense que le temps est merveilleux. Il est le seul à offrir l'oubli, à arrondir les angles. Mais aura-t-on profiter du temps qui passe à oublier ? C'est pour cela que je suis enclin au pardon rapide, c'est pour cela que je reconnais bien volontiers que je suis coupable, que je m'excuse, même, de toute la peine que j'ai pu générer. Je m'excuse tellement de ne pas avoir su trouver les mots qu'il te fallait, de ne pas avoir été juste un refuge, et d'avoir plus que de mesure pointé tes fautes parce que je pensais que cela te ferait avancer dans la vie.

Alors voilà, mes chers petits amis, vous comprendrez que je ne suis pas forcément très objectif aujourd'hui, mais que j'ai le coeur gros. Et que ce n'est pas vraiment à vous que je dédie ces quelques lignes, mais à l'incroyable inconnue qui a fait de ma vie quelque chose d'infiniment plus doux et avec qui nous ne sommes pas toujours d'accord.

En un mot comme en cent : Pardonne-moi.

vendredi 24 septembre 2010

Le "moi" virtuel : l'eMoi


Avant toute chose, lecteur, lectrice, je tiens à vous prévenir que je tenterai d'aborder ce concept dans une dimension plus sociale que psychologique. Loin de moi l'idée de m'attaquer au monument freudien du "ça, moi, et surmoi". Ce serait prétentieux, ne le pensez-vous pas ? Et c'est la raison pour laquelle, en toute modestie, j'accompagne ce texte par une photo d'Emile Durkheim, qui, je l'espère, n'aurait pas renié ces quelques idées. Emile, si tu m'écoutes...

La construction du "moi" social est quelque chose de particulièrement compliquée. Soumise à votre éducation, vos influences, les gens qui ont compté, votre rapport au monde, l'image de vous que le regard des autres vous renvoie... Bref, on ne va pas tenter de faire de la sociologie de bas étage, mais il est tout à fait passionnant de s'y plonger, de savoir que l'on peut se reconstruire à tous moments si on en a la force, le temps, l'envie.

Et puis, avec l'incroyable vélocité du développement de l'ère numérique, de plus en plus de gens ont développé un nouveau "soi", une entité purement virtuelle qu'ils tentent d'imposer au monde. C'est un phénomène que l'on avait déjà pu observer bien avant l'avènement d'internet chez certains écrivains : ce contraste énorme entre ce foisonnement intérieur, puissant, imposant, qui transpire dans leurs écrits, et une timidité, voire, une incompatibilité chronique et latente entre l'auteur, son personnage, et ce qu'il EST, dans sa configuration la plus sociale. Pour en revenir à l'"eMoi", combien de fois avons nous pu entendre : "Oh, tu sais, sur internet, c'est un vrai connard, mais en vrai, il est adorable" ?
Ce "moi virtuel", nous le nommerons "eMoi" (faute de mieux). Son existence est souvent stimulée par des interfaces comme twitter ou les blogs tel que celui de votre humble serviteur, mais également, et c'est plus étonnant, dans ce en quoi Facebook tend à évoluer aujourd'hui.

[Note] : à ce moment précis du récit, il serait bête que le lecteur un peu perdu s'imagine que l'"eMoi" ait quoi que ce soit à voir avec un emo. En effet, l'"eMoi" est l'habile juxtaposition de la lettre "e" que l'on prononcera "i", et qui correspond au diminutif de "electronic" et du mot "moi", désignant l'ego. L'"eMoi" n'écoute donc pas de musique allemande, ne se taille pas les veines, et n'a à priori aucune obsession malsaine pour les vampires ado qui brillent au soleil.[/Note]

Je vous disais donc qu'être un "soi" au monde devient plus simple lorsque l'on distribue soi-même les cartes. On peut se passer de visage ; devenir un être virtuel signifie que l'on montrera de préférence des images qui sont censées nous définir : avatars, citations, photos ne montrant qu'une partie de son anatomie... Dépouillé de son aspect physique, la personne peut devenir un être sublimé, fantasmé, voire parfaitement "je-m'en-foutiste". Je tâcherai de revenir sur toutes ces catégorie ultérieurement.

Car en fait, je m'interroge bien plus sur la finalité de ce "moi" virtuel, sur sa surimposition au "moi" pré-existant, et sur les risques que cela comporte. Je m'explique :
Combien d'"êtres au monde" ne se définissent plus dans la plupart de leurs rapport sociaux que par l'intermédiaire de ce "moi" qui ne l'est pas ; d'autant plus lorsqu'ils possèdent une once de notoriété. Combien acquerront la certitude que ce "moi" a plus de consistance, de tangibilité que l'autre, parce qu'il est multiforme, plus malléable, moins sujet à la censure, qu'il peut, tout simplement, plus facilement se composer pour s'imposer. Car cet "eMoi" dont je vous parle, ne s'encombre pas de critique. Il ne la subit d'ailleurs pas, il avance, en continue, il recherche uniquement l'approbation, la reconnaissance, et se gargarise de n'être jamais écorné lorsque tombent les insultes. Vous remarquerez, lorsqu'on porte atteinte à votre personnalité virtuelle, vous ne réagissez que si vous estimez que les propos sont déplacés, inappropriés. Pour exemple, prenez une femme. Au terme d'un article, un lecteur réagit, et se prononce sur le fait que cet article est forcément mauvais, puisque c'est une femme qui l'a écrit ; en s'en prenant à son sexe, il sépare les deux entités. C'est alors dans son "moi" que la femme est attaquée. Son "eMoi", lui réagit spontanément par le mépris, ou le dialogue. Mais il demeure intouché.
Je vais vous donner un exemple concret, cela devrait vous aider à comprendre le fond de ma pensée :
  • Il va y avoir ce que j'appelle l'"eMoi royaliste" : C'est celui que l'on retrouve le plus souvent dans la blogosphère, et/ou auprès de ceux que l'on pourrait qualifier d'"influents" (et là, je me marre). Il est de ceux que l'on qualifie d'impérieux, suffisant, méprisant. Le principe est simple : peu importe le nombre de détracteurs, même s'ils sont virulents, l'eMoi sait qu'il aura pour lui une majorité béate, candide et soumise qui continuera de l'approuver. La meilleure preuve qu'il en a : plus on l'insulte, et plus cela génère du trafic, plus il est visible, et plus on parle de lui. Il n'a même plus besoin de se défendre vraiment. D'autres s'en chargeront pour lui. D'autres que, par ailleurs, il méprise pour ne pas appartenir à la petite élite d'influents dont il fait partie. Pour appuyer encore un peu mon propos (et éviter de passer pour un énième haters), je vous conseille d'aller voir cet article sur le blog de Guillaume avec qui je partage beaucoup de points de vue, quelques exemples en particulier.
  • Ensuite, il y a l'"eMoi princier" dans ce que la principauté peut avoir de populaire à l'heure actuelle : ce dernier est une variante de l'"eMoi Royal". On aurait aussi bien pu le nommer "eMoi People". Lorsque je nomme cette catégorie, je pense à des gens comme Monsieur_Dream ou Marion_mdm. Il s'agit de toute cette frange de gens qui n'ont "pas fait exprès" de devenir des sommités virtuelles, MAIS, contrairement aux êtres dotés d'un "moi virtuel royaliste", ils en ont conscience. Ils ne sont pas "influents", dans ce cas, mais "visibles". C'est l'une de ses catégorie qui subit bien plus que les autres son "eMoi". Face au lectorat, à ses attentes, aux éventuels retombées médiatico-blogo-politico-sociale, le "moi" va se diluer dans les propos de l'"eMoi". Il rejoint en cela la prochaine catégorisation que je vais tenter de vous décrire.
  • l'"eMoi démocrate" : C'est l'"eMoi" le plus fréquent à l'heure actuel. l'"eMoi" consensuel, celui qui, contrairement aux autres catégories, se réfère uniquement aux autres pour exister : il a besoin de la masse pour faire quoi que ce soit. Souvent, il a besoin de l'approbation de ses pairs, ou de ceux qui ont plus d'expérience que lui. Car la virtualité est un mirage dans lequel certains s'égarent. Beaucoup cherchent dans leurs statuts, leurs récits, ou leur comportement, une approbation, n'importe quoi qui pourrait appuyer leur légitimité à passer à l'acte. Pourtant, le lecteur ne possède pas, puisque l'auteur ne les lui donne pas, toutes les clefs d'interprétation nécessaires à la prise de certaines décisions. Beaucoup de "démocrates" accusent leur arrivée tardive dans l'enceinte virtuelle. Ainsi, leur "eMoi" est dès le début définit par le jugement des "vieux briscards" de la blogosphère. Dur pour quelqu'un comme @AnnaMinou de sortir de son rôle de lolita pré-pubère lorsqu'on s'est fait introduire dans le milieu avec éclat. Mais ceux qui souffrent d'un manque de personnalité sur la toile ne sont pas que ceux qui doivent composer avec une réputation sulfureuse. Considérons les blogs à opérations sponsorisées tel que celui d'Anne-Laure et Benjamin, les "célèbres" H2. Pour vous résumer la situation, je vous renvoie une fois encore sur le site de Guillaume. Et vous pourrez également lire cet article.
  • Il serait difficile de composer sans un "eMoi totalitaire" : C'est celui qui tente de s'imposer, par des caractéristiques simples, souvent grossières même, et qui ne souffre aucune critique. Souvent, il s'écoute parler pour ne rien dire. Je ne voudrais causer de préjudice à personne, et encore moins lui jeter la pierre. Ainsi, loin de moi l'idée de mettre en avant le fait que Carl de Canada, aka @mixbeat s'avère être un exemple de choix ! Pour résumer, ce genre d'individu est fier de posséder un énorme "ePénis". Voilà...
  • Enfin, il y a la catégorie de l'"eMoi anarchiste" -ou eMoinarchiste- : En général, c'est celui qui s'accroche le plus à sa ligne éditoriale, contre vents et marées. Peu lui importe les sirènes de la gloire, ou la critique. La dérive de ce genre d'"eMoi", c'est qu'il est diamétralement opposé au "moi" originel dans la plupart des cas. Pour exemple, on pourra nommer des gens tels que @Soymalau, @ToitagL, mais également XoxobCapucine. La catégorie est donc suffisamment large pour accueillir le bon vieux troll des familles, ou la blogueuse beauté intransigeante.
Sur le papier, ces théories semblent fermés. En fait, elles sont relativement perméables, et beaucoup se retrouvent simultanément ancrés dans deux ou plusieurs catégories. Je dirais même qu'elles sont temporelles.
Alors qu'aujourd'hui, tout un chacun a la possibilité de devenir l'auteur de son existence aux yeux du monde l'on s'aperçoit que la création de ce nouveau moi virtuel, de cet "eMoi", aussi inconscient soit-il, ne saurait être socialement juste. Quel qu'il soit, il se heurt systématiquement aux écueils suivants : un manque d'objectivité que l'on retrouve tant chez son auteur que chez son lectorat, le refus de la critique, son incapacité à coller au réel, sa recherche biaisée d'une vérité qui le conforte dans son statut, et enfin, une capacité d'adaptation qui va en déclinant.

Je dois vous avouer ne pas trop savoir dans quel catégorie me situer ; moi qui n'écris jamais sans avoir regarder une petite dizaine de fois la finale de la coupe du monde 98, moi qui suis bien incapable d'avoir quelque idée avant 13h40 et la fin du journal de Jean-Pierre Pernaut, moi qui compulse mon petit exemplaire du célèbre livre du Führer pour vérifier que je ne fais aucune faute de grammaire. Bref, moi, qui ne suis finalement qu'un homme comme les autres.
C'est pour cette raison que j'en appellerai à votre sens inné du juste, mes chers petits amis. Et, j'y tiens beaucoup, n'oubliez pas d'appuyer vos propos par quelque justification objective !

samedi 18 septembre 2010

L'important...

C'est d'aimer


[Nouveaux updates à venir]

lundi 26 juillet 2010

Paye ta vie de geek

Dans un monde qui ne l'est pas tant !

Parce qu'on a beau nous rebattre les oreilles avec des slogans aussi stupides que "le geek, c'est chic", et autres non-sens, non, nous ne vivons pas dans un monde entièrement informatisé. Et la majorité de la population n'utilise ni twitter, ni facebook, ni -à plus forte raison- de blogs [aparté]raison pour laquelle les abrutis égocentrés qui se gargarisent d'être influents devraient plutôt s'intéresser aux débiles notoires qui leurs servent de lectorat.[/aparté].
Entendons-nous bien : je ne me considère pas particulièrement comme geek. Et si tel était le cas, de toutes les manières, je ne le porterais pas en étendard. Je passe simplement la plus grande partie de mes journées libres sur un ordinateur, devant une console de jeux, à lire du fantastique, à aller au cinéma, ou à compléter mes collections de comics/manga/BD. Et il semble que cela suffit pour que la plupart des personnes me considèrent comme socialement inadapté.

Parfois, pour les personnes qui, comme moi, n'ont pas la chance d'être dans un milieu socio-professionel qui nécessite l'outil informatique au quotidien, cela peut créer des décalages notables.
Non, mais c'est vrai ! Vous n'en avez pas conscience, vous qui bossez en tant que DA, CM, journaliste, dans des boîtes d'info, ou vous autres qui comptez sur votre diplôme d'ingénieur informaticien pour vous lancer dans la création sur le web. Vous non plus qui travaillez dans la pub ou dans la com'. Mais pour les autres, c'est parfois problématique.
Prenez cette année par exemple ! Il y a de cela quelques mois, j'ai eu l'opportunité d'être costumier sur un film d'époque. Et bien croyez moi, pour ce qui est de la communication entre staff, production, figuration et les différents intervenants (maquillage/coiffure, régie, accessoiristes, décorateurs, etc.), c'est presque si nous n'utilisions pas des pigeons voyageurs pour nous tenir informés ! Et la plupart des discussions que j'entretiens quotidiennement avec mon entourage relativement orienté était tout bonnement impossible à aborder.

Il y a également le cas contraire. Parfois, quelqu'un se met à faire référence à un vieil anime, ou à un jeu vidéo particulièrement culte. Généralement, l'ensemble de l'assemblée en profite pour se jeter sur lui à bras raccourcis. Et lorsque votre serviteur vole au secours du pauvre malheureux, les personnes adoptent généralement un regard médusé assorti d'un : "Ha non, pas toi !", comme si je portais en moi une sorte d'enfant honteux, de secret inavouable ! Pas une fois les gens ne se sont dit : "ha oui, finalement, si lui l'est, après tout, ça doit avoir son intérêt..." Non, il faut sans cesse s'en justifier, presque s'en excuser.

Être geek, actuellement, et au quotidien, ça n'est toujours pas rentré dans les moeurs. On accepte facilement quelques instants d'égarement, le temps d'une soirée, parce que cela paraît exotique, mais je vous assure que le monde réel nous est plutôt hostile. Si si.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de m'acheter Starcraft 2 et d'y consacrer ma semaine ! Voilà !

...

Non, cet article n'avait pas du tout pour but de légitimer mon futur achat. Enfin, mes chers petits amis ! Je suis outré que vous puissiez penser cela de moi, votre serviteur !

Non, vraiment...

N'insistez pas, je suis déjà parti.

Bon. Et bien au revoir !

mardi 29 juin 2010

Casquette et métro

C'est le matin, les oiseaux chantent, et l'averse nocturne a apporté à la couche asphaltée un peu de fraîcheur. L'air est doux, la nuit de sommeil, bien que courte, a été particulièrement reposante, et pour couronner le tout, vous vous êtes révéillé(e) à côté de celui/celle qui allège votre quotidien ; pour résumer, vous allez bien.

Vous décidez de prendre le métro, pour vous confronter un peu à vos contemporains, et vous apercevoir que, finalement, ils ne sont pas si laids que cela. Et que vous êtes même susceptibles, dans un élan d'humanité particulièrement exaltant, de tous les prendre dans vos bras pour les aimer, tous autant qu'ils sont. Oui, pour un peu, ils seraient même beaux.
La rame arrive, et bien que bondée, vous décidez d'y monter, de votre pas le plus leste, le plus agile, le plus alerte. Quand soudain... ! Quand soudain, une espèce d'individus sale, malpoli, gros et moche vous pousse pour passer en premier.

Vous savez, le genre vieux, -passez moi l'expression- con, engoncé dans ses préjugés, qui a l'air de ne pas avoir fréquenté une salle de bain depuis deux semaines -facile-, et qui porte les stigmates d'une bêtise profonde : à savoir, une casquette. Parce que les vieux à casquette, c'est vraiment une sale race. Je pensais que seuls les membres de ma famille pensaient cela, avant de m'apercevoir que l'appellation "papi à casquette" était quasi-universelle, et unanimement péjorative. Le papi à casquette ne sait pas conduire une voiture, traverse lorsque le petit bonhomme est rouge, sans se presser, en faisant fi des voitures et du danger, la truffe au sol -parce que le papi à casquette se tient mal juste pour ponctionner le plus possible d'argent à la SÉCU-, arguant de son grand âge pour se foutre de principes aussi élémentaires que la politesse, la galanterie, la bienséance, ou encore, le respect d'autrui ; alors que si vous voulez mon avis, son âge, ça aurait plutôt tendance à constituer un facteur aggravant. Enfin, tout de même soyons sérieux ! Si la vie se résume à une succession de tribulations, et qu'en plus, on est vieux et souffrant, autant aller directement en Suisse pour en finir au moyen d'une petite piqûre quasi-indolore !
Il est à noter que le papi à casquette peut tout aussi bien être à droite qu'à gauche, et qu'il en existe une version dans chaque pays. Sauf en Suisse peut-être...

Dans tous les cas, je remercie cet abruti qui m'a pourri m'a bonne humeur et le billet chargé d'amour que je voulais vous livrer ici ce matin.

De toute façon, moi, ce que j'en dis, les vieux, faudrait les noyer à la naissance.

lundi 28 juin 2010

Je vous ai déjà dit que... [3]

... Que je comptais bien revenir parmi vous ?

Peut-être sous une autre ligne éditorial, et puis, on va essayer de passer au Wordpress prochainement, le format me satisfait plus, mais en attendant, je vais vous faire partager mon état du jour par l'intermédiaire de ce clip d'un groupe que j'aime beaucoup : Shout Out Louds avec une chanson de circonstance : The Comeback

Donc : enjoy !

vendredi 14 mai 2010

Ma Las Vegas Parano (mais comme on n'a pas les moyens, on se limitera au Sud de la France)

Au départ, rien ne préparait notre pauvre petit héros malgré lui –que pour des raisons de narrations, nous nommerons ultérieurement "petit homme"– à entrevoir ce qu'il allait vivre dans ce qui s'apparentait le plus aux 24 prochaines heures de son existence.

Le héros, on le connaît bien. Et soyons honnêtes, il pourrait affronter des dragons, des armées de revenants ou une horde de fans de Dimmu Borgir à mains nues, entravé par des chaînes de plusieurs tonnes, avec comme contrainte de tenir le monde en équilibre sur l'extrémité de son petit orteil gauche, qu'il en rirait encore, mais par contre, face à quelques microgrammes d'une toute petite molécule chimique, il en mène pas large !

Mais commençons par le commencement. Lorsque l'histoire est sur le point de débuter, notre héros se voit proposer de venir passer un week-end particulièrement exaltant quelque part en dehors de sa chère capitale qui commence quelque peu à l'opprimer. Exaltant, car il sait qu'il aura l'occasion de voyager au travers une nouvelle expérience psychédélique ; milieu riche en réponse pour qui sait poser les bonnes questions. Et, à ce moment précis, le petit homme a besoin de réponses.

L'expérience, il l'a déjà faite. À plusieurs reprises. Le processus est plus ou moins toujours le même. À chaque fois, on essaye de bien chiader l'affaire. Certaines personnes sont persuadées que les "junkies" sont des abrutis irresponsables incapables d'assumer les conséquences de leurs actes, et qui vendraient père et mère pour se fournir leur cam'. Sans doute est-ce le cas pour certains. Mais l'on ne m'ôtera pas de l'idée qu'il s'agit le plus souvent d'un archétype hollywoodien du "drogué" qui tend à relayer une image négative dans certains (excellents) films comme Taxi Driver ou More. Le petit homme n'est jamais aussi consciencieux que lorsqu'il se prépare à partir faire une balade mentale.

C’est toujours la même chose. Il commence par préparer un goûter –parce que les expériences gustatives, c'est important. Ensuite, il faut vérifier qu'il a bien acheté ses deux litres d'eau par personnes ; c'est un minimum pour éviter la "gueule de bois" le lendemain. Enfin, et selon la durée du voyage, il prévoit parfois un dîner, histoire de se remplir la panse et revenir sagement à la réalité. L'indispensable, c'est bien évidemment la petite playlist pour favoriser le passage, voire se faire des petits labyrinthes mentaux.

Il y a une règle à laquelle toute entité qui désire prendre une quelconque substance avec le petit homme doit se soumettre. LA règle : il faut promettre alors de couper toute interface avec le monde réel. C'est une règle élémentaire, une règle de survie.

Ce samedi après-midi, il y avait trois individus –deux entités frères et une entité soeur– ; tout autant à enfreindre la règle, prêts à affronter d'éventuels démons. Sauf que cela, aucun des deux autres ne le savaient, bien évidemment ; et c'est là que commence le problème.

Une fois que tout est prêt, il y a le rituel. On prend le petit biscuit de deux gouttes, et on le met dans la bouche, avec l'impression d'être Alice se jetant dans le terrier du lapin. Les effets ne mettent pas longtemps à se faire sentir, et très rapidement, le petit homme mène son petit bonhomme de chemin d'expérience, et tout se passe, ma foi, pour le mieux. Les autres entités interagissent peu avec lui, mais c'est toujours très amusant. Il est rare que leurs échanges durent plus d'une ou deux phrases, souvent sibyllines pour quelqu'un d'extérieur, mais contenant la quintessence d'une puissante réflexion pour d'autres « voyageur ». Chacun est dans son monde et ces mondes rentrent assez peu souvent en contact.

Après quelque temps ("mais combien déjà ?") survient le tilt. On a perdu quelqu'un dans l'affaire ; à priori, l'autre entité mâle : Frère. Vaguement inquiet, le petit homme décide d'en parler à Soeur. Lorsqu'il la trouve, cette dernière est en train de tourner en boucle au téléphone avec une tierce personne. Cette tierce personne semble ardemment désirer s'entretenir avec notre héros. Pour faire clair, RIEN n'aurait pu être pire à ce moment précis. Rien ? malheureusement, ils allaient apprendre que si.

La tierce personne, une étrange Voix au téléphone, est inquiète. Pourquoi ? Honnêtement, aucune idée. Certainement pour la même raison que la pierre est en train d'expliquer au petit homme pourquoi il suffirait de créer une cosmogonie entièrement minérale, purgée de toute humanité et de toute organisme vivant, ou que chaque note qu'il peut jouer au piano se transforme en une corde qui fait de lui un pantin actionné par une sorte de génie grimaçant. La Voix ne semble pas savoir qu'il suffit de prétendre être un caillou visiblement. Elle pose des questions beaucoup trop terre-à-terre pour que le petit homme les relève. Il préfère discuter avec le sol en marbre ; il reste, comme d'habitude, très à l'écart de tout ça. Son ego est très, très loin, protégé, certainement, quelque part.

Le problème, c'est que Frère est toujours absent, et que peu importe le nombre fois qu'il raccroche le téléphone, Soeur s'acharne à appeler la Voix, qui pose sempiternellement les mêmes questions. Persuadé qu'il s'agit d'un enregistrement placé là pour le détourner de sa mission –qui consiste à sauver le monde en mangeant du gâteau au chocolat–, le petit homme, très en colère, finit par raccrocher une fois de plus. Une fois de trop.

Une fois de trop, oui, car la Voix semble prendre la situation très au sérieux. Et ce n'est que lorsque le petit homme réalise que la porte d'entrée n'est plus fermée, et qu'il y a des gyrophares à l'extérieur, qu'il commence a avoir peur. Ou pas. Après tout, il est sans doute en train de rire assis à la table de la cuisine, à manger un bout du gâteau au chocolat qu'ils ont préparé avec amour (et qui doit lui permettre de sauver le monde, n'oublions pas !). Il ne peut pas sérieusement se trouver dans cette entrée exiguë à parler à des agents de la maréchaussée de la prise de psychotropes de deux personnes sur les deux présentes à l'appart ("ai-je dis deux ?(merde, où est passé le troisième ?(ha oui, c'est vrai, rien de tout cela n'est vrai, je suis dans ma tête ! (suis-je con)))"). Ce serait parfaitement grotesque, et complètement stupide.

Mais essayons d'avoir un rapide coup d'oeil sur l'ensemble : vu de l'extérieur, ça donne ça :

La police est dépêchée au 8 avenue quelque chose dans une quelconque ville du sud de la France, et, avouons-le, tout le monde s'en fout que deux personnes aient pu prendre une quelconque dose de quoi que ce soit (qui n'engage pas le processus vital, ni même mental, dans l'affaire, ne soyons pas débiles non plus !). Sauf qu'ils ont un job, qu'ils font, de manière respectable, et lorsqu'ils entendent certains mots, cela provoquent chez eux certains réflexes (sommaires, pour ne pas dire butés et conditionnés uniquement dans le but de prouver que les forces de l'ordre peuvent être très bêtes, n'ayons pas peur des mots).

Très rapidement, dans la tête du petit homme se forment les gros titres tels qu'on aurait pu les lire dans n'importe quel tabloïd racoleur : "un couple d'étudiant consomme DE LA DROGUE ! La compagne est envoyée au service des urgences psychiatriques pendant que la police pense avoir ferré le plus gros dealer de la ville et de ses environs ! Plus de précisions en page 3, juste après le bébé qui mange le chien de sa mère "ex-star vaguement connue qu'en fait on est pas vraiment sûr que c'est elle, mais bon, avec la lumière, on pouvait pas trop savoir", et avant la vérité sur OBAMA et la conspiration reptilienne."

la situation telle qu'elle sera décrite dans le rapport du sergent "je-fais-un-excès-de-zèle" : nous sommes rentrés d'office et sans mandat dans un domicile après avoir reçu un coup de fil d'une tierce personne (autant dire : la Voix) et nous avons appréhendé un "couple" (terme à définir ultérieurement) en "possession" de stupéfiants, et manifestants des signes de prise au cours des dernières heure. nous avons appelé les urgences. Les pompiers semblaient coutumiers de la situation, et ont décidé d'emmener la "victime" de sexe féminin en surveillance. Pendant ce temps, nous avons interrogé la "victime" (avec une gros point d'interrogation que souligne admirablement le sourcil froncé du sergent "peu-importe-son-nom" au moment où il considère le petit homme) de sexe masculin. Nous avons décidé de le cuisiner (comme des salauds) avant de décider de l'amener pour la forme, au poste.

La situation dans la tête du petit homme : rhaaaa, putain, c'est pas possible, on aurait voulu me faire le coup du mec qui se fait prendre là où il fallait pas, je vous jure, j'aurais choisi la même gueule du pompier sympa tout droit sorti d'un calendrier pour le nouvel an !

À ce stade-là, le petit homme est encore plus persuadé que tout n'est qu'une farce mentale. Et RIEN ne semble lui prouver le contraire. Les flics sont de mauvais acteurs, qui sortent leurs répliques dans n'importe quel ordre. Il y a le méchant flic et la gentille fliquette, tous deux affublés de têtes caricaturales au possible. D'ailleurs, le petit homme est sûr à 200%, et il miserait sa mère sur l'affaire s'il le fallait, qu'il a déjà vu ces têtes sur la couverture d'une quelconque bande dessinée narrant les désopilantes histoires de deux policiers. Lorsqu'ils arrivent, les pompiers ont VRAIMENT l'air d'être sympa, prévenants, professionnels, tout comme il faut. Ils posent les bonnes questions, ont les bons gestes, assurés, rassurants. Ils sont à l'opposé des agents des forces de police. C'en est tellement cliché, que le petit homme se retient de faire le moindre commentaire quant à la réalité de la chose, et attend bien sagement de savoir quelle espèce d'énormité son cerveau va encore être capable de générer. En fait, s'il n'ouvrait pas sa gueule pour montrer au méchant sergent son ignorance en matière de substances psychoactives, les deux agents présents sur place le laisseraient certainement partir comme s'il n'avait jamais été là, bien qu'ils semblent tous deux persuadés avoir mis la main sur un gros dealer tout droit descendu de Paris pour semer la merde dans le Sud –qui n'a pas vraiment besoin de lui pourtant.

Mais bon, comme tout ceci n'est qu'une farce, allons-y pour la voiture, avec les gyrophares, et tout le reste. C'est joli les couleurs après tout.

Pour précision, nous dirons à notre lectorat que le voyage a commencé aux environs 15h, et qu'il est un peu plus de 17h au moment ou le petit homme quitte l'appartement pour suivre nos Dupont et Dupond improvisés. Seulement.

Arrivé aux urgences, où on l'a amené pour veiller sur Soeur Le petit homme se dit que son trip pourrait être plus original tout de même. La petite interne ressemble à une amie, et le médecin à la gueule d'un second rôle de Jeunet. Ou de Tarantino... Enfin, quelque part au moment où il croise Capra. Et lorsqu'il décide que les policiers, c'est très amusant, mais qu'il aimerait bien voir ailleurs, ces derniers décident soudainement que la farce a assez duré, et lui restituent ses papiers, le sermonnent, vaguement, en lui faisant promettre de ne plus recommencer, puis s'en vont, sans autre forme de procès.

Alors le petit homme s'en va explorer les rues fantasmées d'une ville qu'il n'a jamais vu !

Et il n'est pas déçu du détour ! Tout y est tellement pleins de couleurs, de résonances, de sensations, de fêtes fiévreuses et fastueuses, qu'il est conforté dans l'idée d'être toujours allongé quelque part dans un appartement, situé dans une vraie ville, pas ce simulacre en carton qu'il reconstitue en fonction de ces souvenirs diffus. Et franchement, vous auriez vécu ce qu'a vécu le petit homme, comment auriez-vous pris la chose ? Lorsque, comme le petit homme, on devient un milliard de choses, l'esprit qui lie chaque être présent à un moment donné, que l'on devient, même une sensation, la sensation du goût par exemple, ou même, plus que cela, un concept, RIEN ne vous facilite le retour à la réalité.

Et puis soudain, le petit homme se rappelle qu'il a allumé son interface avec le monde réel. ou plutôt, cette interface le lui rappelle-t-elle lorsqu'elle vibre dans sa poche. À ce moment exactement, le *ting ting* d'un tram le frôle. S'il n'y avait pas eu cette vibration, ce simple message, ce "mais qu'est-ce qu'il se passe", le petit homme aurait continué sa route. Et il n'aurait sûrement pas remis les pieds sur terre, l'instant où il le fallait, pour comprendre que tous les éléments autour n'étaient pas dépendants de son bon vouloir. Au contraire certains étaient clairement hostiles, et se plaisaient à le lui rappeler à grand renfort de sons et de bruits dissonants qui allaient mal avec le décor. Il n'aurait pas réalisé qu'il était EFFECTIVEMENT dans les rues d'une quelconque ville du Sud, à 19h30, ce qui tendait à confirmer qu'une autre personne présente au début du voyage était à présent aux urgences, et qu'il se retrouvait tout simplement paumé, sans point de repère, après avoir erré dans les rues d’une zone inconnue pendant 1h. Seulement ! Et franchement, si l'on montre ce que le petit homme a vu dans une agence touristique à n'importe qui, ce dernier signe pour y partir directement. Et verse un supplément. Cash !

Après bien des efforts, des détours, des explications attentives de la part de l’entité parisienne, le petit homme retrouve le chemin de l’hôpital. Le retour aux urgences se fait calmement, les personnes semblent compréhensives, et on arrive, petit à petit, même si c'est dur (parce qu'il y a toujours des trucs dans le champ de vision, et que ce médecin a DÉCIDEMENT la gueule d'un second couteau dans "on ne sait plus trop quoi"), à raisonner Soeur pour qu'elle tente de se ressaisir et revenir à la réalité. Les médecins laissent même repartir le petit homme et Soeur. Ils peuvent entamer le processus de reconstruction de l'être à travers les rues de la ville, qui ne sera plus tout à fait les mêmes, mais plus tout à fait inconnue non plus.

Ils sont persuadés que la police a déjà mis des scellé sur la porte, que rien ne sera plus comme avant. Pourtant, il n'en est rien. Ils franchissent, presque interdits, le seuil de la porte, encore hallucinés que l'ensemble de l'histoire n'ait pas de conséquences plus néfastes que cela.

La grande question qui planait sur Frère est levée dès lors que le petit homme et Soeur franchissent le seuil de la porte ; accueillis qu'ils ont été par une odeur de nourriture exotique. Un impérieux désir de consommation imminente avait poussé le troisième cuistre en dehors des murs de ce bastion insurmontables.

Lorsqu'ils pénétrent dans le salon, Frère, qui sort alors de la cuisine, les accueille, fort surpris de constater qu'ils n'étaient pas sagement dans leur chambre à finir le grand voyage.

Ironique n'est-il pas ?

Vous étiez au moins...