vendredi 24 septembre 2010

Le "moi" virtuel : l'eMoi


Avant toute chose, lecteur, lectrice, je tiens à vous prévenir que je tenterai d'aborder ce concept dans une dimension plus sociale que psychologique. Loin de moi l'idée de m'attaquer au monument freudien du "ça, moi, et surmoi". Ce serait prétentieux, ne le pensez-vous pas ? Et c'est la raison pour laquelle, en toute modestie, j'accompagne ce texte par une photo d'Emile Durkheim, qui, je l'espère, n'aurait pas renié ces quelques idées. Emile, si tu m'écoutes...

La construction du "moi" social est quelque chose de particulièrement compliquée. Soumise à votre éducation, vos influences, les gens qui ont compté, votre rapport au monde, l'image de vous que le regard des autres vous renvoie... Bref, on ne va pas tenter de faire de la sociologie de bas étage, mais il est tout à fait passionnant de s'y plonger, de savoir que l'on peut se reconstruire à tous moments si on en a la force, le temps, l'envie.

Et puis, avec l'incroyable vélocité du développement de l'ère numérique, de plus en plus de gens ont développé un nouveau "soi", une entité purement virtuelle qu'ils tentent d'imposer au monde. C'est un phénomène que l'on avait déjà pu observer bien avant l'avènement d'internet chez certains écrivains : ce contraste énorme entre ce foisonnement intérieur, puissant, imposant, qui transpire dans leurs écrits, et une timidité, voire, une incompatibilité chronique et latente entre l'auteur, son personnage, et ce qu'il EST, dans sa configuration la plus sociale. Pour en revenir à l'"eMoi", combien de fois avons nous pu entendre : "Oh, tu sais, sur internet, c'est un vrai connard, mais en vrai, il est adorable" ?
Ce "moi virtuel", nous le nommerons "eMoi" (faute de mieux). Son existence est souvent stimulée par des interfaces comme twitter ou les blogs tel que celui de votre humble serviteur, mais également, et c'est plus étonnant, dans ce en quoi Facebook tend à évoluer aujourd'hui.

[Note] : à ce moment précis du récit, il serait bête que le lecteur un peu perdu s'imagine que l'"eMoi" ait quoi que ce soit à voir avec un emo. En effet, l'"eMoi" est l'habile juxtaposition de la lettre "e" que l'on prononcera "i", et qui correspond au diminutif de "electronic" et du mot "moi", désignant l'ego. L'"eMoi" n'écoute donc pas de musique allemande, ne se taille pas les veines, et n'a à priori aucune obsession malsaine pour les vampires ado qui brillent au soleil.[/Note]

Je vous disais donc qu'être un "soi" au monde devient plus simple lorsque l'on distribue soi-même les cartes. On peut se passer de visage ; devenir un être virtuel signifie que l'on montrera de préférence des images qui sont censées nous définir : avatars, citations, photos ne montrant qu'une partie de son anatomie... Dépouillé de son aspect physique, la personne peut devenir un être sublimé, fantasmé, voire parfaitement "je-m'en-foutiste". Je tâcherai de revenir sur toutes ces catégorie ultérieurement.

Car en fait, je m'interroge bien plus sur la finalité de ce "moi" virtuel, sur sa surimposition au "moi" pré-existant, et sur les risques que cela comporte. Je m'explique :
Combien d'"êtres au monde" ne se définissent plus dans la plupart de leurs rapport sociaux que par l'intermédiaire de ce "moi" qui ne l'est pas ; d'autant plus lorsqu'ils possèdent une once de notoriété. Combien acquerront la certitude que ce "moi" a plus de consistance, de tangibilité que l'autre, parce qu'il est multiforme, plus malléable, moins sujet à la censure, qu'il peut, tout simplement, plus facilement se composer pour s'imposer. Car cet "eMoi" dont je vous parle, ne s'encombre pas de critique. Il ne la subit d'ailleurs pas, il avance, en continue, il recherche uniquement l'approbation, la reconnaissance, et se gargarise de n'être jamais écorné lorsque tombent les insultes. Vous remarquerez, lorsqu'on porte atteinte à votre personnalité virtuelle, vous ne réagissez que si vous estimez que les propos sont déplacés, inappropriés. Pour exemple, prenez une femme. Au terme d'un article, un lecteur réagit, et se prononce sur le fait que cet article est forcément mauvais, puisque c'est une femme qui l'a écrit ; en s'en prenant à son sexe, il sépare les deux entités. C'est alors dans son "moi" que la femme est attaquée. Son "eMoi", lui réagit spontanément par le mépris, ou le dialogue. Mais il demeure intouché.
Je vais vous donner un exemple concret, cela devrait vous aider à comprendre le fond de ma pensée :
  • Il va y avoir ce que j'appelle l'"eMoi royaliste" : C'est celui que l'on retrouve le plus souvent dans la blogosphère, et/ou auprès de ceux que l'on pourrait qualifier d'"influents" (et là, je me marre). Il est de ceux que l'on qualifie d'impérieux, suffisant, méprisant. Le principe est simple : peu importe le nombre de détracteurs, même s'ils sont virulents, l'eMoi sait qu'il aura pour lui une majorité béate, candide et soumise qui continuera de l'approuver. La meilleure preuve qu'il en a : plus on l'insulte, et plus cela génère du trafic, plus il est visible, et plus on parle de lui. Il n'a même plus besoin de se défendre vraiment. D'autres s'en chargeront pour lui. D'autres que, par ailleurs, il méprise pour ne pas appartenir à la petite élite d'influents dont il fait partie. Pour appuyer encore un peu mon propos (et éviter de passer pour un énième haters), je vous conseille d'aller voir cet article sur le blog de Guillaume avec qui je partage beaucoup de points de vue, quelques exemples en particulier.
  • Ensuite, il y a l'"eMoi princier" dans ce que la principauté peut avoir de populaire à l'heure actuelle : ce dernier est une variante de l'"eMoi Royal". On aurait aussi bien pu le nommer "eMoi People". Lorsque je nomme cette catégorie, je pense à des gens comme Monsieur_Dream ou Marion_mdm. Il s'agit de toute cette frange de gens qui n'ont "pas fait exprès" de devenir des sommités virtuelles, MAIS, contrairement aux êtres dotés d'un "moi virtuel royaliste", ils en ont conscience. Ils ne sont pas "influents", dans ce cas, mais "visibles". C'est l'une de ses catégorie qui subit bien plus que les autres son "eMoi". Face au lectorat, à ses attentes, aux éventuels retombées médiatico-blogo-politico-sociale, le "moi" va se diluer dans les propos de l'"eMoi". Il rejoint en cela la prochaine catégorisation que je vais tenter de vous décrire.
  • l'"eMoi démocrate" : C'est l'"eMoi" le plus fréquent à l'heure actuel. l'"eMoi" consensuel, celui qui, contrairement aux autres catégories, se réfère uniquement aux autres pour exister : il a besoin de la masse pour faire quoi que ce soit. Souvent, il a besoin de l'approbation de ses pairs, ou de ceux qui ont plus d'expérience que lui. Car la virtualité est un mirage dans lequel certains s'égarent. Beaucoup cherchent dans leurs statuts, leurs récits, ou leur comportement, une approbation, n'importe quoi qui pourrait appuyer leur légitimité à passer à l'acte. Pourtant, le lecteur ne possède pas, puisque l'auteur ne les lui donne pas, toutes les clefs d'interprétation nécessaires à la prise de certaines décisions. Beaucoup de "démocrates" accusent leur arrivée tardive dans l'enceinte virtuelle. Ainsi, leur "eMoi" est dès le début définit par le jugement des "vieux briscards" de la blogosphère. Dur pour quelqu'un comme @AnnaMinou de sortir de son rôle de lolita pré-pubère lorsqu'on s'est fait introduire dans le milieu avec éclat. Mais ceux qui souffrent d'un manque de personnalité sur la toile ne sont pas que ceux qui doivent composer avec une réputation sulfureuse. Considérons les blogs à opérations sponsorisées tel que celui d'Anne-Laure et Benjamin, les "célèbres" H2. Pour vous résumer la situation, je vous renvoie une fois encore sur le site de Guillaume. Et vous pourrez également lire cet article.
  • Il serait difficile de composer sans un "eMoi totalitaire" : C'est celui qui tente de s'imposer, par des caractéristiques simples, souvent grossières même, et qui ne souffre aucune critique. Souvent, il s'écoute parler pour ne rien dire. Je ne voudrais causer de préjudice à personne, et encore moins lui jeter la pierre. Ainsi, loin de moi l'idée de mettre en avant le fait que Carl de Canada, aka @mixbeat s'avère être un exemple de choix ! Pour résumer, ce genre d'individu est fier de posséder un énorme "ePénis". Voilà...
  • Enfin, il y a la catégorie de l'"eMoi anarchiste" -ou eMoinarchiste- : En général, c'est celui qui s'accroche le plus à sa ligne éditoriale, contre vents et marées. Peu lui importe les sirènes de la gloire, ou la critique. La dérive de ce genre d'"eMoi", c'est qu'il est diamétralement opposé au "moi" originel dans la plupart des cas. Pour exemple, on pourra nommer des gens tels que @Soymalau, @ToitagL, mais également XoxobCapucine. La catégorie est donc suffisamment large pour accueillir le bon vieux troll des familles, ou la blogueuse beauté intransigeante.
Sur le papier, ces théories semblent fermés. En fait, elles sont relativement perméables, et beaucoup se retrouvent simultanément ancrés dans deux ou plusieurs catégories. Je dirais même qu'elles sont temporelles.
Alors qu'aujourd'hui, tout un chacun a la possibilité de devenir l'auteur de son existence aux yeux du monde l'on s'aperçoit que la création de ce nouveau moi virtuel, de cet "eMoi", aussi inconscient soit-il, ne saurait être socialement juste. Quel qu'il soit, il se heurt systématiquement aux écueils suivants : un manque d'objectivité que l'on retrouve tant chez son auteur que chez son lectorat, le refus de la critique, son incapacité à coller au réel, sa recherche biaisée d'une vérité qui le conforte dans son statut, et enfin, une capacité d'adaptation qui va en déclinant.

Je dois vous avouer ne pas trop savoir dans quel catégorie me situer ; moi qui n'écris jamais sans avoir regarder une petite dizaine de fois la finale de la coupe du monde 98, moi qui suis bien incapable d'avoir quelque idée avant 13h40 et la fin du journal de Jean-Pierre Pernaut, moi qui compulse mon petit exemplaire du célèbre livre du Führer pour vérifier que je ne fais aucune faute de grammaire. Bref, moi, qui ne suis finalement qu'un homme comme les autres.
C'est pour cette raison que j'en appellerai à votre sens inné du juste, mes chers petits amis. Et, j'y tiens beaucoup, n'oubliez pas d'appuyer vos propos par quelque justification objective !

samedi 18 septembre 2010

L'important...

C'est d'aimer


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