lundi 25 octobre 2010

Jungle ordinaire

Il court, il se faufile, il lutte. On dirait qu'il fuit, mais peut-être se débat-il seulement pour survivre. Autour de lui, les mouvements frénétiques et incontrôlées de la faune fanatisée ne cessent de lui glacer les sangs. Il est agressé de toute part. Les sons amplifiés, déformés, grotesques, se répercutent tout autour de lui. Les odeurs pestilentielles lui arrachent quelques larmes au passage. Ho, bien évidemment, certaines personnes ont bien tenté de le prévenir, de le dissuader, mais cela n'a fait que le conforter dans son idée. Il a toujours eu ce caractère contradictoire et aventureux. De plus, s'il tient bon, le jeu en vaudra la chandelle.

Au bout de quelques minutes, il se retourne : il est perdu. Est-il déjà passé par ici ? Il ne s'en souvient pas. Il aurait du prendre quelque chose pour se repérer ; marquer son passage. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il emprunte ce chemin, mais tout lui semble différent. La dernière fois, c'était de nuit, mais il est vrai qu'en ces lieux, la notion de temporalité n'a plus guère qu'une importance relative.

Et puis, il l'aperçoit : la lumière, au fond du tunnel. Simultanément, il entend ce bruit salvateur et caractéristique. Il prend son élan et court. Il n'a plus que quelques secondes avant que les portes ne se referment ; plus que quelques secondes avant de perdre la raison, et le peu qu'il lui reste de conscience et d'humanité. Il DOIT franchir ses portes !
Il joue des coudes pour se frayer un passage. Il écarte les assauts du revers de la main et réussit à manoeuvrer sans jamais perdre de vitesse. Ses poumons brûlent, son coeur tambourine quelque part entre son sternum et son larynx ; sur ses tempes perlent quelques gouttes de sueur. Sueur froide ? Si seulement... Mais il fait si chaud ici. Pourtant, quelque part, c'est l'automne.
Dans un ultime effort, il plonge.
Derrière lui la porte se referme en un cliquetis mécanique. Il l'a fait ! Il pensait ne jamais y parvenir, et pourtant, le voilà sortie de cette... "De cette jungle" pense-t-il tout haut.

Il reprend son souffle, il halète encore quelque peu. Il prend sur lui pour se redresser, tout en s'appuyant contre la porte, hermétiquement close à présent.
Il ne saurait dire exactement dans quelle mesure, mais les choses lui semblent toujours hostiles. Et si... Et s'il n'était pas encore au bout de ses peines ?!
Le sentiment de malaise grandit en lui, à mesure qu'il balaye l'espace de son regard. La salle pourrait être accueillante s'il n'y avait pas cet amas de corps entassés les uns sur les autres, cet enchevêtrement animal et contre-nature. Tout à coup, il se souvient : il se souvient l'horreur, il se souvient s'être déjà fait avoir. Il se souvient de son but : sortir de là le plus vite possible.
Il guette le plafond, comme s'il s'attendait à ce qu'il s'affaisse. Par précaution, il se colle un peu plus contre la porte. Il ferme les yeux, rassemble son courage, attendant le moment propice. Il va lui falloir jouer serré.

Tout à coup, la porte s'ouvre à nouveau ! Il pourrait saisir cette occasion pour sortir, si un flot continu ne le repoussait pas à l'autre bout de la pièce.
Voilà... Exactement ce qu'il devait éviter. Maintenant, il est complètement collé à la paroi extérieure de la pièce, incapable de bouger. Il ne pensait pas que son périple cesserait si rapidement. Il n'a aucune idée de comment se dépêtrer de cette situation. Il pourrait être suspendu dans le vide par l'intermédiaire de deux cordes sur le point de lâcher que la situation lui semblerait moins inextricable.

Et puis soudain, l'espoir. Oui, il se souvient également que cela c'était passé exactement comme cela la dernière fois. Et puis il avait entendu résonner ces mots : "À cette station, descente à gauche. Doors open on the left. Uscita a sinistra", la paroi contre laquelle il était appuyé s'était ouverte, il était descendu. Quelques instants plus tard, il émergerait de la station de métro, rasséréné.

Comme la dernière fois, il se le promet : la prochaine fois, il prendra le bus.

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Je dédicace ce texte sur le métro aux jeunes touristes ; aux nouveaux Parisiens ; aux vieux baroudeurs affligés, toujours rêveurs, jamais blasés ; à toutes les personnes qui n'ont pas encore réussi à y trouver leurs marques ; à tous ceux qui empruntent cet espace hors du temps, dans lequel sont bafoués de valeurs aussi fondamentales que la courtoisie, la politesse, l'élégance et le de respect d'autrui. Bref, c'est à vous que je dédicace ce texte, mes chers petits amis !

mardi 5 octobre 2010

Coupable

Silence. Trop de non-dits valent-ils mieux que de ne rien se cacher ? Vaste question. Parfois, on ne se contrôle tout simplement pas. Les mots volent alors qu'ils auraient du ne jamais former autre chose qu'une pensée inféconde.
Ai-je été stupide ? Sans doute. Je pensais être un bon juge de la nature humaine, et voilà que j'ai perdu tous mes repères. Et vient le besoin salvateur de continuer à écrire, pour ne pas se perdre, pour faire le point.

J'ai tort. Je vais partir de ce postulat. Et je vais essayer de comprendre pourquoi. Vous allez m'aider, hein, ne pensez pas simplement vous repaître du spectacle désolant de ma mélancolie lancinante !

Donc, j'ai tort. C'est une certitude. Depuis quand, je ne sais pas trop ; longtemps sans doute.
Nous allons donc travailler sur la temporalité pour commencer :
J'ai tort depuis des semaines, des mois, des années. Et le pire, c'est que j'en ai bien conscience. J'ai tort de n'avoir jamais su placer les limites qu'il fallait. J'ai tort de leur avoir laissé une place si importante dans ma vie que je pensais que seul leur avis était capable de sous-tendre mon petit monde. Je suis coupable de ne pas savoir dire non, de vouloir ménager la chèvre et le chou. Je suis fautif de laisser certaines situations s'enliser, jusqu'à ce qu'elles explosent. Je suis souvent incapable d'assumer les conséquences des actes d'autrui que j'ai pu engendrer. Et la preuve en est certainement que je n'assume pas ne pas savoir assumer.
Ces choses constituent un état de fait. J'ai toujours été ainsi, d'aussi loin que je m'en souvienne. Je suis, bien malgré moi, une sorte de caméléon sociale, et ces points dirigeaient ma vie sans que j'y prenne garde, me permettaient de passer entre les gouttes.

On constate donc que le temps, ça ne permet pas de tout cerner. Et si nous essayons de voir sur quel point précis je suis en tort actuellement ?

J'ai tort de ne pas être capable de voir les choses ou tout blanc ou tout noir ; de ne pas être manichéen en somme. J'ai tort de ne pas donner inconditionnellement raison aux sentiments, et de laisser ma raison s'emporter lorsqu'on lui parle de ressentir. J'ai tort de vouloir faire bouger les choses ; de ne pas supporter l'idée qu'un avis se cristallise ; de ne pas vouloir cloisonner ma vie.
Mais ma plus grosse faute, c'est certainement de leur avoir laissé le choix de me blesser, de pardonner parce qu'ils me sont si proches, et de ne pas comprendre que d'autres ne le puissent pas.

Je pense que le temps est merveilleux. Il est le seul à offrir l'oubli, à arrondir les angles. Mais aura-t-on profiter du temps qui passe à oublier ? C'est pour cela que je suis enclin au pardon rapide, c'est pour cela que je reconnais bien volontiers que je suis coupable, que je m'excuse, même, de toute la peine que j'ai pu générer. Je m'excuse tellement de ne pas avoir su trouver les mots qu'il te fallait, de ne pas avoir été juste un refuge, et d'avoir plus que de mesure pointé tes fautes parce que je pensais que cela te ferait avancer dans la vie.

Alors voilà, mes chers petits amis, vous comprendrez que je ne suis pas forcément très objectif aujourd'hui, mais que j'ai le coeur gros. Et que ce n'est pas vraiment à vous que je dédie ces quelques lignes, mais à l'incroyable inconnue qui a fait de ma vie quelque chose d'infiniment plus doux et avec qui nous ne sommes pas toujours d'accord.

En un mot comme en cent : Pardonne-moi.

Vous étiez au moins...